La Ménagerie de verre d'Ivo van Hove

Au théâtre de l'Odéon, Ivo van Hove donne naissance à une nouvelle Ménagerie de verre adaptée du texte de Tennessee Williams, avec Isabelle Huppert, Justine Bachelet, Nahuel Perez Biscayart et Cyril  Guei. J'attendais avec beaucoup d'impatience de voir ce qu'il proposerait à partir de ce texte que j'aime tant, et j'ai finalement été assez déçue par cette mise en scène qui semblait manquer de répétitions... Peut-être qu'avec le confinement, ils auront le temps d'y remédier (ahahahah).
Photo de répétition © Jan Versweyveld


La pièce en elle-même repose en grande partie sur le rôle d'Amanda, qui concentre tout le noeud de l'intrigue, et est ici incarnée avec une certaine justesse par Isabelle Huppert. Cette mère de famille vit dans ses souvenirs et projette ses fantasmes sur sa jeune fille Laura, poussant ainsi cette dernière à se retrancher dans sa petite ménagerie de verre. Le rôle d'Amanda Wingfield semble avoir été écrit pour l'actrice qu'elle est désormais, mais, et j'espère que cela était propre à la représentation à laquelle j'ai assisté, elle dégageait aussi une forme de fragilité qu'on pouvait facilement imputer à un manque de maitrise. Elle est par moment absolument brillante et très touchante, mais malheureusement on a le plus souvent l'impression de voir Isabelle Huppert qui cabotine sans convaincre.

Les autres personnages ont eux aussi du mal à exister : Laura est complètement insipide et Ivo van Hove semble avoir voulu faire disparaitre toute référence à sa santé (mentale) défaillante, alors même que cela donnait au personnage sa justesse dans la fragilité. Là, on a juste l'impression d'une Laura Wingfield en pleine crise d'adolescence à la recherche d'une figure paternelle. Nahuel Perez Biscayart lui est en revanche assez juste et touchant, mais les choix de mise en scène liés à son double rôle d'acteur et de narrateur étaient assez pauvres pour être tristement remarqués.

Photo de répétition © Jan Versweyveld
Ivo van Hove s'amuse des codes de la pièce de Tennessee Williams et les détourne allègrement et avec beaucoup d'ironie. Ainsi, le petit appartement familial américain est ici transformé en une grotte de velour, où restent tapis les personnages, enfermés dans la cellule familiale au bord de l'explosion. Le portrait du père signalé dans le texte comme une photographie au mur se retrouve dessiné littéralement partout dans le velour, figure tellement obsédante qu'on ne la remarque même plus. Le bon galant Jim est un homme noir, alors même qu'Amanda vit encore dans ses souvenirs du vieux Sud, où elle était une Belle courtisée par tous les fils de planteur, et où on pouvait dire le N-word à sa guise. Pour autant, je n'ai pas trouvé la proposition de scénographie particulièrement marquante et la ménagerie de verre en elle-même est assez simple et ressemble à celle qu'on avait déjà pu voir dans de précédente mis en scène.

La pièce déçoit donc même si elle se laisse regarder sans déplaisir particulier, mais j'en attendais bien plus d'une Ménagerie de verre adaptée par Ivo van Hove. De toutes façons, il vous sera difficile d'aller la voir puisque tous les spectacles sont suspendus, et ça n'est pas une très grande perte. 

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