La Mousson d'été - écrire le théâtre d'aujourd'hui

 Cet été, j'ai eu la chance de participer à l'université d'été de la Mousson 2020. Ce festival permet la rencontre de professionnels et amateurs de théâtre depuis 25 ans autour des questions de l'écriture théâtrale au sens large : on y croise aussi bien des auteur·rices, des metteur·euses en scène, des comédien·nes mais aussi des éditeur·rices. Son université d'été permet à chacun d'aborder ces questions en étant guidé par un·e auteur·rice tout au long d'ateliers qui se déroulent chaque matin avant les lectures et différentes rencontres. Ce festival si particulier a été l'occasion pour moi de reconsidérer mon rapport au texte de théâtre, et de me poser une question qui pourrait sembler un peu bête : que faire du texte de théâtre ? 


Cette série d'articles sera donc consacré au texte de théâtre et aux enjeux qu'il soulève sous toutes ses formes : de l'écriture à l'édition, en passant par la représentation, quelles sont les conditions d'existence du texte ? À qui appartient le texte ? À son auteur·rice, évidemment. Mais quand il est mis en scène ? Et que devient le texte de théâtre en dehors de la scène, puisqu'il est écrit pour elle ? Quel rôle tiennent les éditeur·rices de textes de théâtre ? Et les traducteur·rices ?


L'Abbaye des Prémontrés


Dans ce premier article, je souhaite avant tout revenir sur mon expérience lors de la Mousson d'été et partager ici mes impressions sur la semaine merveilleuse passée au coeur de l'Abbaye des Prémontrés à Pont-à-Mousson. 


La mousson d'été est un festival idéal pour qui s'intéresse aux textes de théâtre : on peut y passer une semaine entière rythmée par des ateliers autour de la dramaturgie le matin, et de nombreuses lectures de pièces inédites et rencontres avec des professionnel·les du monde du théâtre. Les ateliers guidés par Nathalie Fillion m'ont vraiment permis de revenir aux fondamentaux du texte : s'attarder parfois un quart d'heure sur le titre d'une pièce pour découvrir quels horizons d'attente il crée, s'intéresser à toutes les indications scéniques données par l'auteur·rice, réfléchir aux différents thèmes qui se dégagent à la lecture d'une scène. Tout cela m'a permis de prendre compte de l'existence propre du texte en dehors de la scène, de l'autonomie et surtout, de l'importance des auteur·rices dans la chaine de production des spectacles. Leur position a été bien mise à mal par l'affirmation et l'hégémonie du metteur·euse en scène, qui met le texte au service de son spectacle.


Le festival est l'occasion de rencontrer des personnes venues de tous les horizons, professionnel·les du spectacle comme amateurs, tous guidés par une passion commune. La programmation du festival permet à tout le monde de tout voir, ce qui engage de vrais échanges entre les différent·es participant·es et a même parfois donné lieu à des débats très engagés sur les textes découverts. Le logement se fait dans l'internat du lycée accolé à l'abbaye où se déroule la très majeure partie du festival, en chambre double, ce qui est très convivial et pratique. Les repas sont pris tous ensemble dans l'abbaye, et se font eux aussi le relais de ces échanges et rencontres, car sont proposés des "déjeuners avec un·e auteur·rice" : il était ainsi possible de partager son repas avec Claudine Galea ou Catherine Benhamou par exemple. Ces déjeuners étaient l'occasion de rencontrer en petit groupe les auteur·rices après avoir découvert leurs textes et d'échanger sur ceux-ci dans un cadre informel et sans médiation ou crainte de jugement, et ça a été pour ma part de véritables moments de découverte presque intime.


Proposer des lectures de textes permettait de faire entendre le texte de théâtre dans son essence, sans artifice de mise en scène ou de travail d'interprétation trop poussé. Les textes étaient ainsi présentés dans une simplicité qui donnait à entendre objectivement le texte, et les lectures les plus simples étaient finalement les plus intéressantes et audibles. De jeunes auteur·rices étaient présents, comme par exemple Marcos Caramés-Blanco venu présenter son texte Gloria Gloria, que j'ai absolument adoré. Nous avons aussi pu assister à l'enregistrement d'une pièce radiophonique diffusée sur France Culture, Feu la nuit de Laura Tirandaz. Cette réalisation en public était pour nous l'occasion d'entrer dans les coulisses des fictions radiophoniques, et de découvrir comment sont réalisés les bruitages par exemple. Les différentes conférences et rencontres avec des professionnel·les du spectacle permettaient aussi de casser un peu la monotonie qui aurait pu survenir si nous avions assisté uniquement à des lectures toute la journée. On a ainsi pu découvrir le travail de l'éditeur François Berreur, assister à une conférence d'Arnaud Maïsetti ou de Stanislas Nordey, qui permettaient à tous les spectateurs de bénéficier de leur expérience et de leur expertise. 


En bref, la Mousson d'été est un festival qui permet à la fois de faire résonner les textes dans leur plus grande simplicité, mais aussi de créer du lien entre tous les acteur·rices du spectacle, professionnel·les comme amateur·rices. Une expérience intense et dont on ressort aussi fatigué·e que nourri·e et inspiré·e.

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